Week-end à Khorat

Publié le par Biniou

 

Le Jeudi 27 mai :


Pour la première fois, ce jeudi risque bien d'être similaire à tous les jeudis suivants. Eh oui, à partir de maintenant, les journées de cours vont se ressembler et il serait donc bien inutile de tout raconter en détails. Je parlerai donc surtout des évènements, des petites nouveautés et des aspects de la vie quotidienne qui font ressortir certaines facettes du pays et de sa culture que je n’ai jusqu’alors pas abordées. Et puis il y a les week-ends, qui je l’espère me permettront de voir un peu plus loin que le bout de mon village. Mais revenons-en à ce jeudi. Une heure de présentation, une heure de lecture à haute voix, et j’ai mon après-midi libre, comme d’ailleurs tous les élèves qui la consacrent à diverses activités sportives ou culturelles ainsi qu’aux fameux clubs dont on m’avait précédemment parlé. Mais petit point de détail : je me dois tout de même d’être présent à l’école, même pendant mon temps libre. J’ai bien sûr le droit d’en sortir quand ça me chante mais je suis tenu d’être plus ou moins présent jusqu’à environ 16h. Le midi je prends mon repas en salle des profs dans le « coin canapé », avec les autres profs (toutes des femmes dans ma salle). Et le repas est à la mode locale : un plat (ou sac plastique) commun de riz gluant dont l’on arrache un morceau avec la main (droite toujours pour des raisons d’hygiène, cf. les conditions sanitaires) puis l’on va piocher des aliments en sauce (souvent goût fruits de mer/crabe) que l’on coince entre le pouce et le riz avant d’engloutir le tout. Et cætera par petites bouchées successives jusqu’à être calé… Il y a aussi les œufs et parfois des ailes de poulet grillées (communes, on y va toujours avec les doigts). Je ne nierai pas que je suis plus d’une fois sorti me chercher un pad thaï ou quelques gâteaux en complément ! Je m’occupe ensuite à mon petit bureau en cherchant des idées, en reprenant mes cours sur mon cahier, en bouquinant, ou bien je squatte le pc commun dans un but plus ou moins pédagogique. Mais cet après-midi là commence les « contrôles de lecture » : les élèves viennent en salle des profs quand ils le désirent pour me faire la lecture, que je note ensuite (sans pitié !). Il y a aussi quelques questions à corriger, et mes 5 premières copies sont identiques lettres pour lettres… ça commence bien ! Et puis en fin d’après-midi il y a le club dont s’occupe ma prof, Pii-Benz, l’ « Easy English ». Elle me demande de m’y rendre seul, de vérifier les absents, de leur demander de se présenter et après de faire ce que je veux, tant que c’est amusant et pas prise de tête, car c’est un club récréatif et non un cours ! Je me retrouve en face de 17 élèves, ou plutôt en face de 17 filles. Il n’y a pas à dire, je constate – en tout cas jusqu’à présent – que les filles sont de vraies anges par rapport aux garçons. Presque toujours timides, gentilles et polies et souvent travailleuses et attentives, quelle différence ! Et puis ce sont les seules à s’être inscrites à mon club, ce qui leur vaut bien un plus ! Celles qui sont présentes me paraissent en l’occurrence particulièrement réceptives, je comprends vite que cette classe improvisée sera certainement celle avec laquelle je pourrai le mieux me faire comprendre et m’amuser le plus. Je tente de retenir leurs surnoms, car en Thaïlande absolument tout le monde a un surnom ! Leurs vrais prénoms sont souvent longs et compliqués (pour moi en tout cas), ne parlons pas de leurs noms de famille. Les surnoms sont donc pratiques et ont notamment pour objectif d’embrouiller les mauvais esprits en leurs cachant les identités réelles. Nous débutons ensuite une petite chanson et l’heure se déroule dans la bonne humeur. Le défi sera de trouver des jeux et activités originales pour chaque jeudi après-midi ! La suite de la journée se déroule comme beaucoup d’autres se déroulerons : après un petit break dans ma chambre consacré à diverses activités ménagères et au repos, je passe une partie de la soirée à l’école (accès à internet), avant de rentrer définitivement. Mais cette fois-là, les chiens sont de retour et plus méchants que jamais ! Ils me repèrent à 100m et me talonnent jusqu’à chez moi, mais n’arrêtent même pas leur course lorsque je descends du vélo devant ma porte, impuissant devant tant de haine. Mon regard furieux cependant les effraie probablement car ils ne me sautent pas au cou et reculent, en continuant d’aboyer. Encore une petite frayeur néanmoins!


Le Vendredi 28 mai :


Ce week-end sera consacré à la visite de Khorat. En effet, Pii-Benz s’y rend pour diverses raisons avec sa mère et me propose de les accompagner. J’y étais certes déjà passé pour aller chez la famille d’Ann, mais très rapidement. Je me suis donc fait mon petit plan de visite : bien que Khorat ne soit pas très touristique, la ville m’intéresse et il s’y trouve tout de même quelques lieux d’intérêt. Nous prenons la voiture et j’en profite pour améliorer un peu mon thaï, grâce à un petit guide de conversation qui fait partie des rares choses que je n’ai pas oubliées en partant. Je peux maintenant lire et écrire en thaï (à peu près), ce qui me sera fort utile à diverses occasions ! Quelques heures plus tard, me voilà largué sur la place principale de la vieille ville, où se trouve la statue de Yamo dont j’avais déjà parlé lors de l’article sur l’arrivée en Thaïlande. Petite correction : elle a repoussé des laotiens, et non des birmans ! Khorat, de son vrai nom Nakhon Ratchasima, est la ville la plus développée de l’Isan, qui constitue toute la partie Nord-Est du pays. On dit d’elle qu’il s’agit de la porte d’entrée de cette région, car depuis Bangkok, elle en constitue la limite et le premier ancrage et est la plaque tournante du commerce et des transports locaux. Ancienne base américaine lors de la guerre du Vietnam, elle est désormais assez moderne même si sa taille reste modeste, et les occidentaux qu’on y trouve sont bien plus souvent des vétérans restés au pays que des touristes. La vieille ville est entourée de douves et c’est en son sein que j’ai prévu d’effectuer la plupart de mon périple. Je passe donc ma journée à me balader dans ces avenues qui découpent la ville toujours à angle droit. Je passe de Yamo à l’ancienne porte de la ville (construite par des ingénieurs français), au saint pilier (dont je ne connais pas l’histoire, mais il est là…). Autre aspect de la visite : les temples, extrêmement nombreux (plus d’une quarantaine) et toujours somptueux. Je marque mon premier arrêt au Wat Phranai (wat signifie temple), puis je vais retrouver Pii-Benz pour aller réserver l’hôtel où je passerai la nuit.


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Je me retrouve dans la « Tokyo Mansion », qui m’offre des conditions de vie tout à fait correctes par rapport à mes habitudes (pas de clim, mais un ventilateur au plafond tournant sur une rotule pour balayer toute la pièce, système ingénieux omniprésent ici !) et j’aperçois avec joie de la présence d’une télé, bien que je déchante rapidement à la vue des 66 (validé)° programmes tous aussi inintéressants les uns que les autres. Je repars en ville à pied (à ce moment au vu de mes grandes dépenses passées je décide de faire des économies sur les touk-touk !) pour admirer sur mon chemin le Wat Karae puis remonter au Chang Phrueak Shine, dont j’avais entendu du bien mais qui ne s’avère être qu’un petit cabanon en bord de douve totalement dénué d’intérêt. C’est en fait le lieu où le roi contrôlait les éléphants avant leur vente à une certaine époque, mais il ne valait pas le déplacement ! Heureusement, il y a des temples partout et notamment juste à côté. Et comme pour illustrer l’histoire, un éléphanteau passe à côté de moi en pleine ville, guidé par des marchants de papayes qui espèrent utiliser ce moyen pour booster leurs ventes (mais j’aime pas la papaye !).


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Fatigué tout de même de toute cette marche, je m’en vais rejoindre Pii-Benz au centre commercial presque paradisiaque car climatisé et regorgeant d’objets dont mon mode de vie pseudo-monastique m’avait fait oublié l’existence. Après un peu de shopping (genre céréales et anti-moustiques) nous repartons tranquillement lorsque je me rends compte que mon porte-feuille ne se trouve plus dans ma poche ni dans mon sac. Je ne manque pas de fouiller mais rien. Je garde tout mon sang froid jusqu’à ce que nous revenions au parking inspecter les lieux et aux magasins puis à la sécurité à la recherche du galopin, visites qui s’avèrent inutiles. Tout espoir est alors éteint et je repense non seulement à tous mes papiers mais également aux 4000 bahts (100€) s’y trouvant que je ne retrouverai sans doute pas… De plus ma prof m’avait donné mon « salaire » mensuel qui permet de couvrir mes dépenses quotidiennes : 4500 autres bahts le jour même. Lorsque je fouille mon sac je ne retrouve plus l’enveloppe. Là mon humeur est en chute libre et a même atteint le sol lorsque ma prof me montre l’enveloppe posée à l’avant de la voiture, soulagement, et – ô miracle – je me sens pousser des ailes quand je distingue une masse noire entre la portière et le siège, qui s’avère être en effet la sainte relique tant recherchée. Petit épisode désagréable qui m’incitera à porter une attention extrême à ces choses-là, et puis à ne plus prendre tant d’argent sur moi. Bref, c’est reparti pour le « Flee Market » de Khorat, assez conséquent et varié. Nous y mangeons pour une poignée de bahts : depuis que je suis arrivé en province je ne dépense que 25 bahts par repas (soit 60 centimes). Je jongle entre le khao pat, le pad thai, le padkapao, le khwaithiao et leurs diverses variations, l’élément central étant toujours riz ou pâtes. Les plats sont également toujours accompagnés de piments en poudre, de sucre, et de sauce aigre qui constituent les assaisonnements possibles selon les goûts… Au marché je tombe sur ce que je n’ai jamais trouvé pour le moment : des (vrais) livres en anglais, et même en français ! Sur la cinquantaine que je passe en revue il n’y a presque que des bouses, mais je sors du lot l’Etranger de Camus, Les Robots d’Asimov, Little Dorrit de Dickens, et un roman dont j’ai oublié le nom, se situant dans la campagne anglaise du début du siècle. Enfin de la vraie lecture pour occuper mes temps morts ! Je rentre à l’hôtel et m’écroule littéralement sur mon lit.


Le Samedi 29 mai :


Nous sommes censés repartir aujourd’hui en voiture et le rendez-vous est fixé à 15h à Yamo. Je peine à me lever car je n’ai pas eu l’occasion de faire une seule grasse matinée depuis une semaine, puis je pars en touk-touk au Wat Sala Thong, au sud de la ville. Il est situé dans une zone très calme, anciennement une forêt dense, et je savoure cette tranquillité après avoir baigné dans le chahut de la ville. Je découvre en réalité 3 bâtiments : un temple conventionnel, un autre en forme de cloche comme j’en ai déjà vu au Grand Palace de Bangkok, et un troisième assez petit qui n’a pas de salle intérieure. En me promenant je rencontre un jeune garçon qui fait le ménage devant une maison et qui m’aborde en me posant quelques questions en thaï. Mon niveau n’est pas top, mais je peux maintenant comprendre quelques phrases, y répondre, bref converser un minimum, et j’utilise un peu l’anglais basique. Il appelle rapidement ses amis : deux jeunes moines arrivent et le plus âgé s’assied à une table avec moi pour discuter un peu. L’autre, élément presque anachronique, écoute du David Guetta à fond sur son téléphone portable hi-tech. Ils sont tous les trois sympathiques bien qu’un peu étranges aussi bien physiquement que par leur manière de parler. Ils m’emmènent dans leur salle et me proposent de faire quelques clichés puis me mènent au Wat Sala Thong qui s’avère être le plus petit des trois bâtiments. J’enlève mes tongs pour monter les marches. La pierre chauffée me brûle les pieds jusqu’à ce que j’arrive en haut et je me retrouve face à un four crématoire, ni plus ni moins, ouvert d’ailleurs. Ils m’expliquent qu’on y met les morts et m’invitent à approcher car je garde en effet mes distances. Dans le contexte, je ne suis pas rassuré. Le soleil me tape sur la tête, la pierre me chauffe les pieds et l’air me brûle la peau, je suis seul au milieu de nulle part et je m’imagine déjà balancé dans le four par le costaud, dont je remarque une grande cicatrice à la nuque au même instant… Bien sûr je me fais des idées et ces moines bien que légèrement intriguant n’en sont pas moins amicaux et bien intentionnés, et nous redescendons les marches pour nous diriger vers l’espèce de cloche blanche. Ils ont les clés des lieux de culte et m’ouvrent pour me montrer. Il y a une cloche similaire plus petite à l’intérieur qui s’étend jusqu’au plafond, un encensoir et un petit buddha de prière à son pied ainsi que des anciennes statues à moitié cassées tout autour. En haut se trouve un petit compartiment qui est censé contenir les cendres d’un personnage hautement sacré. Nous nous dirigeons enfin vers le 3e bâtiment, temple classique, lorsqu’un troisième luron nous rejoint. Il n’est pas habillé en moine mais connait les autres, et il est le plus bizarre d’entre tous, me donnant l’impression d’un léger retard mental. Ils m’ouvrent les portes et j’y découvre un grand bouddha assis, dont j’avais lu la description sur internet et qui était présent à la base au milieu de la forêt avant que tout ne soit construit autour. Ils m’invitent à participer à une prière et je répète les gestes avec amusement, avant de finir à moitié trempé par l’eau sacrée dont m’arrose le moine guidant la prière. Lorsque je les quitte ils sont très amicaux et chaleureux et m’invitent à revenir le lendemain ou le mois prochain. Je sors du lieu après cette rencontre qui n’a pas été dénuée d’originalité. J’y apprendrai par la suite qu’il s’agit du temple d’une secte bouddhiste.


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Temple du Buddha assis

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Cloche renfermant les saintes cendres

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Wat Sala Thong: four crématoire

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Mes joyeux compères


Je pars vers le Wat Sala Loi, assez calme également mais plus proche de la ville et entouré de nombreux citadins y passant le samedi. Après une brève restauration sur une table du coin je reviens à pied à Yamo, traversant la ville d’est en ouest, et je croise à nouveau un temple inattendu.


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Wat Sala Loi

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A 15h je suis au rendez-vous, mais Pii-Benz m’apprend que sa mère a besoin de rester plus longtemps en ville à cause de ses problèmes de santé, que par conséquent elles ne partiront que lundi matin, et qu’il est maintenant trop tard pour moi pour revenir aujourd’hui en bus. Tant pis et tant mieux, je profite à nouveau de l’air frais du centre commercial avant de repartir réserver une seconde nuit à l’hôtel (200 bahts et le lit est double !) et enfin je repars à pied à la découverte d’un nouveau secteur qui se trouve cette fois plus en marge de la ville. A un moment je veux couper par une petite rue perpendiculaire et je me retrouve dans une zone « résidentielle » comme je n’en ai jamais vu en ville jusqu’à présent : une espèce de favela à la thaï. La rue rétrécit de plus en plus et finit en cul-de-sac.


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La nuit tombe et je préfère ne pas m’attarder dans le coin, je repars alors sur ma route et après une petite trotte je rejoins une grande rue qui me ramènera finalement au centre ville, en passant par un nouveau temple (objet de l’expédition, mais de nuit c’est moins classe forcément), le Wat Suttachinda. Je fais un tour au Night Bazaa du centre ville et je retrouve ensuite Pii-Benz et sa mère avec lesquelles je vais manger un bout avant de rentrer dans ma chambre d’hôtel, content de pouvoir me poser…


Le Dimanche 30 mai :


Je dois partir à midi tandis que ma prof et sa mère restent en ville pour des examens. J’en ai fini avec le tourisme et nous passons donc une partie de la matinée au plus grand centre commercial du coin, j’ai nommé « The Mall ». J'y trouve d'ailleurs un rayon qui fera sans doute plaisir à Florette!


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Je mange avec ma prof et une dame de sa famille qui est directrice d’école à Khorat. Après avoir fait connaissance, elle me propose de venir faire un volontariat dans son école après avoir fini le mien. Je la remercie de sa proposition mais lui explique que ça va être difficile… Puis elles m’emmènent à la gare routière où je prends mon billet pour Chaiyaphum vers 14h. Le bus est correct et climatisé, le trajet se déroule sans accroc puis j’embarque pour le second bus pour Chao Thong (en tout 150 bahts de trajet). Et là commence lentement ma cuisson, car le soleil est haut et tape fort, je suis dans une vieille carcasse non climatisée, et le conducteur attend plus d’une heure et demie avant de partir… Le trajet est long et cahoteux, la luminosité baisse lentement et j’arrive finalement devant chez moi à 19h environ ! Pas cher, mais il faut pas être pressé. Le soir après manger je vais retrouver Florette sur internet, avec l’image cette fois-ci grâce à la webcam que j’ai déniché à Khorat. Autre achat bien utile : un simple tuyau en plastique qui une fois branché à mon robinet fait office de douche ! Et me simplifie la vie de mille autres manières… c’est beau la technologie. Je suis donc à l’école, l’orage gronde au loin comme souvent le soir ces derniers temps, et le vent se lève. Soudain, les lumières, l’ordinateur, tout s’éteint. C’est la panne électrique à peu près hebdomadaire, due à l’orage… L’école étant en retrait à 300m de la route dans la campagne, je n’ai pas non plus de lumière sur le chemin du retour, et la route est elle aussi plongée dans le noir complet. Je repère des formes plus noires dans l’obscurité : les chiens, encore et toujours ! Ils commencent à me donner la course, mais cette fois je ne suis pas d’humeur à jouer et un petit coup de gueule les calme tout de suite. Petit bonus en rentrant : l’eau est coupée aussi ! Tout redeviendra normal le lendemain. Après ce petit week-end en ville, je suis reparti pour une semaine d’enseignement au village, et pour apprendre désormais à connaître chacune de mes classes !


Le Mardi 1er juin :


Dur début de semaine ! Je suis fatigué et il s’est trouvé que le prof associé à la plupart des classes que j’ai eu ces derniers jours a presque toujours été absent. Sans indications et seul j’ai du faire face à des classes qui sans doute ne figurent pas parmi les plus reposantes car ma tâche a été bien difficile… Elèves bruyants, qui ne comprennent pas toujours ce que je dis (ou du moins peuvent se permettre de faire semblant de ne pas comprendre), parfois dissipés et suffisamment âgés pour n’en faire qu’à leur tête ; bref je fais face à mes premières difficultés. Il faut s’efforcer d’être toujours intéressant, interactif, amusant (et compris, petit handicap supplémentaire car je ne peux faire recours au thaï), ce qui est certainement la meilleure manière pour prendre du plaisir des deux côtés et faire passer un message pédagogique en douceur. Mais en dehors de cet équilibre parfois difficile à atteindre ou lorsque les élèves font preuve de mauvaise volonté, le cours devient épuisant, inutile et il faudrait en venir à imposer un rapport de force. Cette méthode est certes utile voire indispensable et je n’hésiterais pas à utiliser si j’étais professeur titulaire en France, mais elle n’a jamais fait partie de mes plans dans le cadre d’un volontariat qui doit se faire dans une ambiance ‘bon enfant’. Je suis pourtant bien obligé de m’y plier en ce mardi lorsque je me trouve confronté à la mauvaise foi d’une classe de seconde à moitié vide qui refuse d’être soumise à l’examen de lecture que Pii-Ray m’a demandé de faire. Tâche légèrement ingrate qui est une des explications de la situation présente. Un aspect culturel rend l’éducation encore plus délicate : l’habitude du compromis et du consensus qui dicte une conduite réfléchie. Ainsi, se mettre en colère en public est très mal vu et doit être toujours évité. Je me vois obligé d’utiliser les bonnes vieilles méthodes pour ne pas me faire marcher sur les pieds. Je leur fait ainsi comprendre que je n’attendrai pas plus de deux minutes, et que si ces deux minutes écoulées personne ne s’est décidé à lire le texte, je me verrai dans l’obligation de mettre zéro à tout le monde. La technique marche à merveille, mais j’ai dû sortir de mon rôle et ce type de situation n’est ni agréable ni reposant. Cette petite aventure a été due à un concours de circonstances malencontreux certainement, et j’espère ne plus être mis dans une telle posture. Les autres cours se déroulent bien mieux dans l’ensemble mais même lorsqu’il s’agit d’apprendre une chanson, ce n’est jamais de tout repos lorsque celle-ci est en anglais et que la moitié de la classe chante faux… En rentrant chez moi, je m’endors donc de fatigue sur mon bouquin à seulement 17h. Je me réveille dans la soirée et me rends à l’école pour y retrouver Florette sur internet. Mais mauvaise nouvelle, internet ne marche pas ! Ce n’est décidément pas ma journée. Je me recouche donc relativement tôt en espérant avoir récupérer le lendemain.


Le Mercredi 2 juin :


Je reprends conscience tout en douceur. Ce n’est jamais bon signe. En effet, il est 9h15 passées, je me suis rendormi… Tant pis, j’avais mes raisons ! Lorsque je débarque à l’école, je m’attends à arriver à temps pour le second cours de la matinée à 9h45. Or, personne dans mon bureau. Personne dans les autres non plus d’ailleurs. Je monte dans les salles de classe : vides ! Chaises sur les tables. On est pourtant bien mardi. Je téléphone à Pii-Benz pour savoir ce qu’il se passe et elle m’apprend que tout le monde se trouve dans le gymnase pour un grand meeting avec les directeurs et professeurs des écoles voisines sur l’éducation ; j’entends en effet une voix sortir d’un speaker dans cette direction. La bonne nouvelle, c’est que je vais pouvoir me reposer car il n’y a pas cours de la journée. La mauvaise, c’est que je me suis levé pour rien ! Mais en fait non, pas tout à fait, car je rencontre dans le gymnase une occidentale ! Ce qui me choque tout de suite car je n’ai jamais vu que des thaï au village et à plus forte raison dans l’école. Je discute donc avec elle et apprends qu’il s’agit d’une volontaire et qu’elle aussi est passée par Volunthaï. Elle est arrivée à peu près au même moment que moi, et enseigne dans une école du coin. Elle est américaine et c’est vraiment agréable de comprendre tout ce qu’elle dit, et de me faire très bien comprendre ! Je finissais en effet par me demander si mes problèmes de communication avec les profs d'anglais thaï ne venaient pas de moi. Nous discutons donc un moment avec Kate, et Sally qui est chinoise et professeur dans son école. Ce qui permet notamment de ne pas avoir à écouter le discours monotone de 4h en thaï sur l’éducation nationale. La banderole affiche d’ailleurs « Le 2 juin 2553 ». Ce petit bond dans le futur étonne légèrement au début, mais il s’agit en fait du calendrier bouddhiste couramment utilisé ici (notamment pour les dates de péremption : attention à ne pas se tromper !), qui a 543 ans d’avance sur le notre. Après les avoir laissées, je ne regrette pas cet après-midi libre qui me permettra de souffler et de préparer quelques thèmes pour mes prochaines leçons.

 

Publié dans Thaïlande

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M
<br /> On a eu quelques sueurs froides et on a encore bien ri grâce à ton style captivant.<br /> Ne te départis pas de ton flegme et affirme ton autorité face aux élèves frondeurs.<br /> Et surtout ...continue de nous faire vivre tes aventures!<br /> Bises.Papa et maman<br /> <br /> <br />
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T
<br /> WoW Biniou ça c'est du sacré blog avec de très bons articles bien détaillés comme il se doit ! Tu vis apparemment d'authentiques aventures, et c'est loin d'être fini...Profite bien de ton<br /> expérience en Issan ! A très bientôt. Titi<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> Le métier d'enseignant se révèle difficile même en Thaïlande ! Tu as raison de ne pas te laisser faire !<br /> J'étais en panne de thriller, je crois que j'en ai trouvé un excellent sur ce blog !<br /> j'attends la suite avec impatience.<br /> Bises<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Récit vraiment passionnant Biniou ! Aventures variées , relatées d'une manière vivante .....( ca fait commentaire d'un Prof de lettres ....)C'est là que je peux voir la difference entre le voyage "<br /> organisé et dont je garde un très bon souvenir " que j'ai fait en Thailande et un séjour " authentique "ou l'on cotoie des " gens du cru "! Ce sera encore mieux avec Florette ! Je t'embrasse Maco<br /> <br /> <br />
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